A quoi bon?

A quoi bon les mots quand ils enfoncent le sentiment
dans un trou sans verdure
et ne l'allègent pas?
A quoi bon plutôt que le murmure
le gémissement funèbre
d'une source au mois d'août?
A quoi bon le revers puisqu'un coup droit suffit
à nous faire mordre la poussière?
Il ne faut plus dire puisque ça n'est pas juste
La douleur est plus forte et Douleur est trop doux.
Que reste t-il l sinon le silence et la brise
et Mozart quand ils jouent?
A quoi bon le poème récité et mortel?
A quoi bon la victoire quand le corps n'est pas libre?
Vois Vois le chant des colombes fanées par le remords!
Vois et plie ton regard à ce qu'il ne peut entendre,
les deuils qu'on ne fera jamais
les mariages impossibles
(je t'aurais rencontré cent trois ans plus tôt
je t'aurais aimé comme une hyène
t'aurais donné mon coeur, t'aurais baisé la joue
après t'avoir conquis sur mon cheval lourd)
Quoi! Ne serait-ce que la nuit parfumée de violette
qu'en ferons-nous?
rien n'est moins lamentable
qu'un manuscrit sans foi
Je t'aurais aimé et ta joue sur mes lèvres
aurait blêmi jusqu'à nous
disparaître.