Alors je suis une rigolote
dès que je parle les gens rigolent
sinon ils ne me parlent
ni ne m'aiment plus
Ils rigolent même si je suis sérieuse
parce que j'ai une apparence tragique
alors il faut bien expulser
Ca s'appelle la catharsis, ça leur fait du bien mais même si j'ai pas envie d'être drôle, ils me font comme un clin d'oeil pour dire qu'ils ont compris même si j'étais sérieuse et qu'il n'y avait rien à comprendre.
En fait je pense que ceci vient directement de mon physique de morte. Ca doit être ça. Les gens, ils doivent se dire que je suis pas d'ici. Forcément c'est rare les êtres qui sont pas d'ici. Donc pour expulser leur peur, ils rient. Même si je dis quelque chose de pas drôle. Ou bien si je lance une blague pédophile au goûter d'anniversaire de mon petit neveu.
Alors c'est pour ça au début, tout le monde m'aime. Forcément je fais rire ,et tout le monde aime rire (c'est Rabelais qui l'a dit que c'était le propre de l'homme) -surtout au début, quand on se connaît pas trop et qu'on est coincé et qu'on sait pas quoi dire parce que comme on se connait pas et qu'on n'a rien à se dire et bien on est toujours content d'avoir quelqu'un qui est rigolo, ça détend l'atmosphère et comme ça au lieu de parler on rit et c'est meilleur pour la santé de rigoler un bon coup plutôt que de se dire "bonjour ça va" et de commencer à raconter savie à quelqu'un que tu reverras peut-être jamais de ta vie et surtout qui n'en a absolument rien à foutre que tu sois au chômage depuis sept mois et demi vu que lui il est ingénieur chez IBM et que ceux qui peuvent pas parler de la Corvette V8 5.7 cabriolet (rouge) ben il voit pas trop ce qu'il pourra leur raconter vu que lui la CAF le RMI et le Pôle-emploi c'est pas trop sa tasse de thé-
et d'ailleurs c'est très vrai que je suis une fille super marrante, j'ai un humour à déboîter les zygomatiques de tous les apôtres pendant la Cène, y compris Judas, qui certes est un faux-ami, mais n'était pas très réputé pour avoir le rire facile et franchouillard.
Bon, mais ça c'est au début, quand tout va encore très bien.
Mais au bout d'un moment, et après quelques temps plutôt du genre assez indéterminé, y'en a un peu marre, et carrément ras-le-bol de n'être jamais prise au sérieux, et puis,eux aussi les gens ils en ont un peu marre et carrément ras-la-chouffe, de rigoler tout le temps et pour n'importe quoi, d'autant plus si je suis moins drôle et que, conséquemment ils n'ont plus tellement de raison de glousser, au regard que c'est moins humoristique ce qui se dit et donc forcément moins drôle ,et donc c'est forcé, ils n'ont plus tellement de ferveur à se taper les cuisses comme quand il arrive qu'on fasse quand c'est vraiment poilant et qu'il y a de quoi se taper les cuisses tellement c'est hilarant , mais s'il n'y a plus de quoi, ça devient gênant, de se taper les cuisses sans raison et en plus ça peut faire mal aussi si on y allait très fort, du coup souvent c'est là qu'ils réalisent qu'en fin de compte ce n'est pas rigolo du tout ce que je raconte voire déplacé et extrêmement vulgaire, d'où la prise de conscience violente et honteuse du caractère complètement inapproprié de rigoler ainsi à tort et à travers et à gorge déployée.
Mais d'ailleurs,je le reconnais tout à fait, c'est vrai que je suis moins drôle au bout d'un moment, à plus forte raison quand j'ai plus envie de rigoler et partant, de faire rire ceux qui m'entourent, alors forcément - la capacité de faire rire la galerie étant strictement proportionnelle au degré de son auto-prise de non-sérieux intime selon Bergson dans son fameux essai- le taux d'éclats et de rates dilatées autour de moi s'effondre lamentablement à la vitesse d'un Airbus volant entre Rio et Marseille.
C'est alors que ça se complique:
D'un côté: JE, ayant perdu mon humour et, simultanément toute confiance en un Moi sinon aimable ou satisfaisant, du moins digne de vie, voire en capacité non pas d'articuler un propos sensé mais même de prononcer ne serait-ce qu'une monosyllabe justifiée par une question aussi sommairement articulée que celle du type "ça va?" ou bien "tiens quelle splendide lumière vient ce soir à l'heure du coucher solaire apaiser les tourments d'une vie frénétique et toute entière portée sur l'appât du gain en même temps que tournée vers la satisfaction immédiate de notre désir misérablement consumériste, ne trouves tu pas? "
ET d'un autre (côté), ce que l'on appellera ici tout ce qui n'est pas JE, à savoir : AUTRUI, lassé et très préoccupé par une gorge brûlante, le dîner de ce soir, et le fait que c'est pas le tout mais y va falloir y aller.
la tension monte et les regards s'assombrissent.
Les chuchotements sourdent et vrombit la rumeur.
C'est à ce moment très caractérisé par les yeux révulsés et les cheveux hirsutes de la stupéfaction, qu'on se rend compte de mon apparence débile et très étrangement emboîtée.
"SPECIALE", c'est communément le qualificatif poli et souriant que l'on me prête en public et de vive voix. Au demeurant, adjectif généreux que j'accueille avec respect et même une satisfaction certaine.
Mais, si mon oreille de lapin était moins circonspecte et ne commençait à fouiller plus minutieusement dans les sarcasmes murmurés de la mondanité, je ne serais guère au fait qu'il se prononçât, à mon endroit, des épithètes beaucoup moins courtois que celui précédemment et juste une ligne au-dessus, mentionné: "un monstre" ," un spectre à gueule de hyène", "un fauve à cul de Gorgone" "une sauvage multidimensionnée", "des airs de ballerine qu'aurait niqué Churchill", "et son humour de mâle que seuls les veaux comprennent"
et j'en passe et j'en passe...
Alors, certes que mon physique, un tant soit peu remarquable par ses petites imperfections liés à un atavisme singulier et quelque peu bâtard, puisse en heurter certains et quelques-unes, je peux encore l'admettre et même le concevoir, et je l'assume de manière intégrale- quoique je trouve légèrement mesquin et absolument raciste de ne pas me dire les choses en face (surtout qu'ayant une grand mère Chimère, le choix était multiple) et je revendique bien haut le droit à la différence
MAIS et je serais d'une intransigeance tyrannique, le fait de "n'être pas rigolote" et "d'avoir un humour à deux balles"
ça non, non et non!
Que cela soit bien clair: je dis "Non et non!"
Non mais!
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